Artisan de compassion Partie 2 : Compassion et troubles alimentaires

Artisan de compassion Partie 2 : Compassion et troubles alimentaires

Pour une introduction sur le thème de la compassion, je vous invite à lire le billet « Artisan de compassion Partie 1 : Introduction à la compassion ».

 

La compassion et les troubles alimentaires

Notre capacité à nous apaiser et à faire preuve de compassion est fortement liée aux comportements alimentaires. En effet, manger et être nourri sont habituellement des expériences réconfortantes pour les humains. Il suffit de penser à ce moment où un bébé est nourri. Dans les bras de son parent, l’enfant reçoit à la fois de la nourriture et de l’amour. Par la suite, l’aptitude à être sensible à ses propres émotions et à s’apaiser soi-même doit être développée. Mais imaginons un enfant qui reçoit systématiquement du chocolat lorsqu’il est contrarié, plutôt que de l’aide pour nommer son émotion et trouver ce dont il a réellement besoin. Cet enfant pourra avoir tendance à favoriser la nourriture pour s’apaiser. Lorsqu’il s’agit du moyen privilégié pour gérer ses émotions, cette utilisation de la nourriture devient problématique. Manger ses émotions est alors utilisé au détriment d’autres stratégies.

En revanche, en développant sa capacité à faire preuve de compassion pour soi, il est possible d’accéder à un sentiment de sécurité ainsi qu’à des sensations de bien-être et de calme. Et ce, sans avoir recours à la nourriture. La compassion envers ses propres difficultés, notamment au cours d’un traitement d’un trouble alimentaire, peut donc être une clé importante du rétablissement. Car en faisant preuve de compassion, la personne prend conscience de la nature et de la complexité du trouble alimentaire. Elle voit mieux qu’un trouble alimentaire est un trouble multifactoriel qui a des composantes environnementales, psychologiques et génétiques. Cette meilleure compréhension permet aussi de déculpabiliser la personne pour ses difficultés alimentaires. Alors plutôt que de se critiquer durement devant un obstacle, pourquoi ne pas cultiver la compassion pour soi-même au cours de sa trajectoire de guérison? De toute façon, la culpabilité est souvent un déclencheur de symptômes tels que les crises alimentaires. Personne n’a pour objectif de souffrir intentionnellement, tous veulent être bien.

 

L’efficacité de la compassion dans le traitement des troubles alimentaires

Les données scientifiques actuelles sur le lien entre les troubles alimentaires et la compassion sont encourageantes. L’introduction d’un programme d’intervention axé sur la compassion dans une thérapie cognitive comportementale pour trouble alimentaire a plusieurs effets. Elle permet notamment de réduire la fréquence et l’intensité des symptômes associés aux troubles alimentaires, en plus d’améliorer le bien-être psychologique [1].

Quant à l’hyperphagie, une approche focalisée sur la compassion est associée à une réduction de la fréquence des crises de boulimie. Les préoccupations concernant le poids et l’alimentation sont également diminuées [2].

 

Ne pas avoir peur de changer la voix de l’autoflagellation pour celle de la compassion

Imaginez un enfant qui a des difficultés d’apprentissage à l’école. Un premier enseignant lui relève ses erreurs sur un ton qui dénote de l’impatience. Ce professeur croit qu’il est nécessaire d’être sévère pour stimuler l’enfant, sinon il sera paresseux. Un deuxième enseignant est davantage concerné par le bien-être de l’enfant. Il l’encourage à accepter ses erreurs et à apprendre de celles-ci. Quel enseignant souhaitez-vous pour votre enfant? Pourtant, certaines personnes peuvent être réticentes à l’idée de tronquer la voix de la condamnation pour celle de la compassion. Elles peuvent avoir l’intuition que la voix de l’autoflagellation les motive à changer. En réalité, le jugement dur envers soi-même a plutôt tendance à paralyser. Tandis que la compassion pour soi n’a rien à voir avec la pitié ou l’égocentrisme. La compassion ne sert pas d’excuse pour baisser les bras, ni pour nous considérer comme une victime.

Au contraire, elle procure un élan pour inviter le changement. Cela nous permet de prendre un pas de recul, d’observer la situation avec sagesse et force. Cette compassion sollicite une position d’action. Parfois, l’action consiste à changer ce qu’on peut changer. Et d’autres fois, l’action consiste à accepter ce qu’on ne peut pas changer. Nous devenons acteur de notre vie et non spectateur. C’est pourquoi il vaut mieux apprendre à nous motiver avec bienveillance, plutôt qu’avec la voix de la condamnation. Commencez avec la question suivante : quelle serait votre plus grande peur si vous laissiez tomber cette partie autocritique en vous? Peur de sembler arrogant, paresseux…

Quelques stratégies pour développer la compassion seront présentées dans un autre billet.

Écrit par Dre Marie-Eve Turgeon, psychologue

 

Références

  1. Gale, C. et al. (2014). An evaluation of the impact of introducing compassion focused therapy to a standard treatment program for people with eating disorders. Clinical Psychology and Psychotherapy, 21, 1-12. doi: 10.1002/cpp.1806
  2. Kelly, A. C. et al. (2015). Self-compassion training for binge eating disorders: A pilot randomized controlled trial. Psychology and Psychotherapy: Theory, Research, and Practice, 88, 285-303. doi:10.1111/papt.12044


Avez-vous des préoccupations excessives liées à l’alimentation et au poids?
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